La Fondation de l'école de Bel Air…

« Un jour d'août 1967, Sœur Paul Salgado et moi, en voyage de vacances en Haïti, discutions sur les besoins spirituels des jeunes Haïtiens exilés à New York. J'étais alors la Directrice d'un groupe de jeunes compatriotes faisant partie d'une toute nouvelle association dénommée : Haïtian American Community Organization (HACO. Cette association avait pour but d'aider la communauté haïtienne vivant dans les environs. J'avais, en travaillant avec ces jeunes, constaté leurs difficultés d'adaptation à la vie américaine et surtout ce désarroi total résultant de l'arrachement forcé à leur culture et à leur pays. Comme j'en parlais à sœur Paule, je lui fis cette remarque : « Si nous pouvions les accrocher à une action positive qui créerait un lien entre eux et leur pays ? S'ils pouvaient de loin participer à une œuvre utile pour Haïti, je crois que cela les aiderait à sortir de leurs problèmes. »

Et sœur Paul, du haut du balcon arrière de l'Ecole du Perpétuel Secours du Bel Air, me montra la fontaine publique où une cinquantaine de gosses en haillons se battait pour arriver à remplir d'hétéroclites récipients à un mince filet d'eau s'échappant d'un étroit tuyau.

" Tu vois ces enfants, me dit-elle, ce sont les petits restavèks des marchands du Bel Air. Ils passent toutes leurs journées à transporter des sceaux d'eau. Ils ne vont pas à l'école, personne ne se soucie de les éduquer. Si tes jeunes, ou les membres de ton association, pouvaient récolter mensuellement une petite somme, je demanderais à la sœur supérieure si ce serait possible d'ouvrir une petite école pour eux. Nous pourrions leur faire la classe durant deux ou trois heures l'après-midi. »

L'idée me parut excellente. En aidant à soutenir la petite école, nos jeunes développeraient un sens de responsabilité ; un lien tangible entre eux et leur pays serait créé et quelques enfants démunis en bénéficieraient.

Le projet fut approuvé à l'unanimité. Le nom de la future école fut mis au vote, et on tomba d'accord sur « l'école de la Fraternité des Haïtiens ».

L'école de la Fraternité débuta avec une classe d'une vingtaine de fillettes « restavek » âgées de dix à douze ans. En octobre 1986, trois autres classes ont été ajoutées, accueillant des adultes pour des besoins d'alphabétisation, et une classe pour les plus de quinze ans. La même année, la section primaire fut ouverte pour recevoir les enfants très pauvres qui, faute d'argent, ne pouvaient pas aller à l'école.

En 1992, l'école comptait une population scolaire de 700 élèves, dont plus d'un tiers sont des enfants en domesticité.

L'école de la Fraternité porte bien son nom. Elle a été fondée dans un geste de fraternité, par des Haïtiens envers leurs compatriotes défavorisés. Elle a évolué grâce à la Fraternité de nombreux Haïtiens et étrangers conscients de l'immense misère d'un certain groupe d'enfants du pays. Elle continuera d'évoluer grâce à la Fraternité, cette Fraternité qui fait partie de la devise d'Haïti, et qui seule pourra aider à donner une humaine Egalité à tous les enfants déshérités."

Marie José Lemoine,
l'auteur de ces lignes, a dirigé l'école de la Fraternité de octobre 1986 à octobre 1992, date de son départ forcé d'Haïti. Actuellement, l'école est dirigée par Madame Martha Natoux.

Depuis plusieurs années, le Père René Soler nous aide en différents domaines, afin d'améliorer nos conditions de vie. L'association Timoun Restavek, fondée à Belbeuf (France) en 1993, avec Odile et Yves Soyeux, est une nouvelle étape dans notre solidarité avec les enfants démunis d'Haïti.